Le Canada doit remplacer, rénover ou construire une part importante de ses infrastructures environnementales municipales vitales pour répondre à la demande de nouveaux logements et respecter ses engagements en matière de changement climatique. La Fédération canadienne des municipalités (FCM) estime qu’un logement nécessitera un investissement moyen de 107 000 $ en immobilisations municipales. Plus de 50 % de ce coût serait consacré aux seules infrastructures d’eau et d’assainissement. La croissance démographique accélérée du Canada et la demande de logements abordables ne font qu’aggraver la situation.
Si le Canada veut relever ses défis en matière de logement tout en reconstruisant ou en rénovant sa capacité de traitement des eaux usées, les municipalités devront trouver de nouveaux moyens de soutenir le développement d’infrastructures environnementales essentielles.
Heureusement, nous n’avons pas à réinventer la roue. Un certain nombre de communautés à travers le monde ont transformé des installations conventionnelles de traitement des eaux usées en pôles locaux de durabilité résilients et productifs dénommés « Éco-usines ».
Les éco-usines génèrent de l’énergie renouvelable, valorisent et réutilisent les ressources et favorisent une croissance économique inclusive. Elles dynamisent également le cycle de vie des actifs critiques, augmentent l’efficacité et la résilience environnementales des communautés et créent de nouveaux emplois verts, tout en jouant un rôle important dans la création d’une infrastructre d’assainissement résiliente et adaptable. Par exemple :
De plus, les éco-usines utilisent souvent des systèmes décentralisés de gestion des eaux usées et des eaux pluviales qui peuvent être plus résistants aux perturbations et mieux adaptés aux conditions locales. Ces systèmes peuvent comprendre des zones humides artificielles ou d’autres solutions naturelles conçues pour gérer les fluctuations du débit et la composition des eaux usées. En favorisant l’utilisation efficace des ressources, la symbiose industrielle et la récupération pour une réutilisation bénéfique, les éco-usines contribuent à la construction de réseaux d’assainissement plus résistants aux défis environnementaux et économiques, tout en favorisant la conservation de l’eau et la protection de l’environnement.
Cette même stratégie a déjà été mise en œuvre dans plusieurs communautés dans le monde, y compris le Milwaukee Metropolitan Sewerage District (MMSD), qui s’est associé à Veolia pour exploiter et gérer son système de récupération de l’eau.
Pionnier dans le traitement des eaux usées en tant que ressource, le MMSD produit de l’engrais Milorganite depuis 1926. Cette initiative a permis d’éviter l’enfouissement de plus de cinq millions de tonnes de déchets et d’éviter ainsi la production de milliers de tonnes de méthane fugitif, tout en compensant la production d’énergie et d’engrais synthétiques à forte teneur en carbone.
Le MMSD produit également sa propre électricité et sa propre chaleur à partir de gaz de digestion anaérobie biogène et de gaz de décharge, tout en co-digérant d’autres déchets de haute activité qui ne sont pas enfouis. Cette démarche s’inscrit dans le cadre d’une volonté visionnaire d’une indépendance énergétique totale. En outre, le quartier déploie des panneaux photovoltaïques solaires et envisage d’autres mesures telles que l’utilisation de batteries pour le stockage et la valorisation énergétique des déchets pour atteindre son objectif de 100 % d’énergie renouvelable, soit une réduction de 90 % de son empreinte carbone d’ici à 2035. Le MMSD réutilise également ses effluents propres traités à des fins d’eau de refroidissement et de nettoyage sur site, évitant ainsi la consommation d’énergie et les émissions de GES connexes normalement produites par le quartier pour traiter et distribuer ce volume d’eau potable. Déjà 27 % de la consommation d’énergie du MMSD provient de ressources renouvelables et ses émissions de GES ont été réduites de 18 % depuis 2005.
Le MMSD a également établi des partenariats pour restaurer les zones humides et les habitats naturels locaux, reboiser et nettoyer les cours d’eau de la rivière de la zone métropolitaine de Milwaukee. Les pratiques du quartier concernant la gestion des eaux pluviales et les infrastructures vertes ont permis de réduire de plus de 550 milliards de litres la pollution des égouts unitaires du lac Michigan, et le quartier prévoit d’acquérir des milliers d’acres de terrain et de planter des milliers d’arbres pour une meilleure gestion de l’environnement.
Les municipalités canadiennes peuvent certainement reproduire cette approche pour résoudre leur problème d’infrastructure. Pour maximiser les chances de réussite, il faut combiner plusieurs mesures si l’on veut mettre en place la première éco-usine dans le pays :
La grande majorité des installations de traitement des eaux usées au Canada ne sont pas exploitées à leur plein potentiel. Les communautés locales risquent de passer à côté d’opportunités majeures de développement économique et de revenus grâce à l’énergie propre et à la circularité des ressources, qui peuvent générer des emplois verts, une innovation numérique, une meilleure biodiversité et une meilleure résilience climatique. La solution des éco-usines offre aux municipalités canadiennes la possibilité de tirer parti des budgets d’infrastructure non seulement pour construire des infrastructures d’assainissement résilientes et adaptables, mais également pour répondre aux besoins de nouveaux logements tout en respectant leurs engagements en matière de changement climatique.
Cet article a été initialement publié en anglais dans Environmental Journal.