La digestion anaérobie (DA) s’est imposée comme une technologie cruciale dans les secteurs industriel (y compris municipal) et agricole, offrant des solutions durables de gestion des déchets tout en produisant des produits précieux comme du biogaz, du gaz naturel renouvelable (GNR) et du compost. Selon le Rapport de 2023 sur le marché du biogaz et du GNR de l’Association canadienne du biogaz (ACB), le Canada compte 43 installations de DA en milieu agricole contre 17 en milieu industriel.
Le rapport de l’ACB indiquait également qu’entre 2020 et 2023, le nombre d’installations de DA en milieu industriel dans le pays (principalement situées en Ontario et au Québec) a presque doublé, tandis que le nombre d’installations de DA en milieu agricole est resté le même. L’ACB a estimé que cette évolution était le résultat probable du traitement des matières organiques triées à la source et d’un intérêt accru pour l’achat de GNR, ce qui favorisait les grandes infrastructures.
Voici une comparaison de ces deux contextes opérationnels examinant le potentiel de développement de ces installations partout au Canada.
Échelle et caractéristiques des matières premières
Les activités industrielles de DA traitent généralement des volumes plus importants de déchets organiques, provenant principalement des installations de transformation des aliments, des déchets solides municipaux et des stations d’épuration des eaux usées. Ces installations traitent des flux de matières premières plus uniformes, dont la composition est prévisible. En revanche, les opérations agricoles de DA travaillent avec des quantités variables de fumier, de résidus de culture et de déchets alimentaires occasionnels, ce qui entraîne des fluctuations saisonnières plus importantes dans la disponibilité des matières premières. Selon la province, il peut y avoir des restrictions sur le pourcentage des matières premières organiques municipales.
Complexité opérationnelle
Les systèmes industriels de DA utilisent généralement une technologie plus sophistiquée et des systèmes de contrôle automatisés. Ils nécessitent du personnel spécialisé et maintiennent des paramètres opérationnels stricts pour une performance optimale. Les exploitations agricoles ont tendance à être plus simples, souvent intégrées aux infrastructures agricoles existantes, bien que les systèmes agricoles modernes adoptent de plus en plus des systèmes avancés de surveillance et de contrôle.
Production et qualité du biogaz
Les installations industrielles obtiennent généralement de meilleurs rendements en biogaz grâce à des conditions optimisées et à des capacités de prétraitement des matières premières. Leur biogaz a souvent une teneur en méthane plus constante (60-65 %). Les digesteurs agricoles peuvent avoir une production et une qualité de biogaz plus variables (50-60 % de méthane) en raison des variations de matières premières, bien que des systèmes bien gérés puissent atteindre des résultats comparables.
Production de gaz naturel renouvelable (GNR)
Les installations industrielles de DA comprennent souvent des systèmes perfectionnés de valorisation du gaz pour produire du GNR conforme aux normes de qualité des gazoducs (95 % et plus de méthane). Ces activités sont souvent reliées directement à des gazoducs pour distribution. Les exploitations agricoles peuvent se concentrer davantage sur l’utilisation de l’énergie sur place, bien que les grands systèmes agricoles intègrent de plus en plus des capacités de valorisation du GNR, en particulier dans le cadre d’accords de coopération.
Gestion du compost et du digestat
Les opérations industrielles nécessitent généralement des systèmes de traitement du digestat plus complexes, produisant souvent des engrais liquides et solides standardisés. Les exploitations agricoles ont l’avantage de pouvoir épandre directement sur le sol, mais elles doivent gérer des fenêtres d’épandage saisonnières. Les deux secteurs produisent des amendements précieux, mais les exploitations agricoles trouvent souvent des marchés locaux plus faciles grâce aux réseaux agricoles existants.
Considérations économiques
Les installations de DA industrielles nécessitent généralement des investissements en capital plus importants, mais bénéficient d’économies d’échelle et de sources de revenus plus diversifiées (frais de déversement, ventes d’énergie, crédits de GNR). Les exploitations agricoles ont souvent des coûts d’investissement plus faibles, mais elles peuvent être confrontées à des difficultés économiques si elles n’ont pas accès à des marchés de premier ordre pour le GNR ou les engrais organiques.
Impact environnemental
Ces deux types d’exploitations réduisent considérablement les émissions de gaz à effet de serre en captant le méthane et en remplaçant les combustibles fossiles. Les installations industrielles réalisent souvent des réductions d’émissions absolues plus importantes en raison de leur taille, tandis que les exploitations agricoles jouent un rôle crucial dans la gestion des émissions au niveau de l’exploitation et dans l’amélioration de la gestion des nutriments.
Conformité réglementaire
Les activités industrielles font l’objet d’une surveillance réglementaire plus stricte, particulièrement en ce qui concerne les émissions atmosphériques, la qualité du digestat et les protocoles de sécurité. Les exploitations agricoles doivent se conformer aux réglementations qui leur sont propres, mais les exigences en matière d’autorisation sont généralement moins complexes, bien que cela évolue à mesure que les installations s’agrandissent.
Intégration communautaire
Les exploitations de DA agricoles sont souvent plus facilement acceptées par la communauté car elles sont considérées comme une extension des activités agricoles. Les installations industrielles peuvent faire l’objet d’un examen plus approfondi de la part du public et nécessiter des efforts d’engagement plus importants de la part de la communauté, en particulier dans les zones urbaines ou suburbaines.
Tendances futures
Dans les deux secteurs, on observe une intégration accrue des systèmes de surveillance avancés, des technologies améliorées de valorisation du gaz et des méthodes innovantes de traitement des digestats. La distinction entre les exploitations industrielles et agricoles s’estompe à mesure que les systèmes agricoles se développent et que les installations industrielles recherchent des sources de matières premières plus diversifiées.
Bien que les activités de DA industrielles et agricoles partagent des processus biologiques de base, elles diffèrent considérablement en ce qui concerne leur ampleur, leur complexité et leur orientation opérationnelle. Les installations industrielles se distinguent par leur efficacité de traitement et la qualité constante de leur production, tandis que les exploitations agricoles offrent une meilleure intégration dans les systèmes agricoles existants et une gestion plus facile du digestat. Toutes deux jouent un rôle essentiel dans la transition vers les énergies renouvelables et dans le domaine de la gestion durable des déchets, avec une convergence croissante en matière de technologie et de sophistication opérationnelle.